Les droits de la Nature

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Au gré des siècles, l’Homme a exploité les ressources naturelles considérées comme ses biens en vue de satisfaire ses besoins exclusifs. Et ce, sans se soucier du caractère limité desdites ressources.
Les Droits de la Nature, ou Droits de la Terre, sont un ensemble de règles et principes visant à protéger les entités de la biosphère telles qu’une rivière ou une montagne en les reconnaissant comme personnes, où êtres vivants dotés de droits propres au titre de leur valeur intrinsèque.
Cela veut dire que des montagnes, des rivières et des lacs ou une baie…. ne sont plus considérés comme des objets, mais comme des sujets de droit à part entière. Ils obtiennent alors juridiquement le droit d’exister, le droit au respect et à la régénération de leur biocapacité.

Base juridique

L’émergence du concept des Droits de la Nature ont été théorisés à partir des années 1970, à travers notamment l’article fondateur de Christopher Stone «  Les arbres doivent-ils pouvoir ester en justice ? Vers des droits de la nature  » paru en 1972. Dans ce texte destiné à contrer un projet de construction par The Walt Disney Company, d’une station de sports d’hiver dans une vallée de la Californie du Sud, célèbre pour ses séquoias, il proposait d’accorder des droits aux arbres et « à l’environnement naturel dans son ensemble »(en savoir plus)

Mais il faudra attendre les années 2000 pour les premières reconnaissances des droits de la nature. La déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère, adoptée en 2010, est le principal texte international sur les Droits de la Nature. Il reconnaît la Terre comme communauté indivisible de la vie peuplée d’êtres interdépendants et considère le respect desdits droits comme condition première à l’effectivité des droits humains. La Déclaration liste 12 droits de la nature et y adjoint 13 devoirs pour l’Homme.

La Charte de la Terre, adopté en 2000 par 6000 organisations, offre un cadre de transition vers une société reconnaissant l’interdépendance des êtres vivants ainsi que la dépendance du bien-être humain à celui des écosystèmes. Des pays s’en sont inspirés, comme l’Équateur et la Bolivie.

 

Quelques exemples de réalisation

Les villes de Tamaqua et Barnstead aux Etats-Unis ont été les premières entités civiles du monde à reconnaître officiellement, en 2006, les droits des écosystèmes locaux.

En 2008, l’Équateur est devenu le premier pays au monde à reconnaître des droits à la nature, en les inscrivant dans sa Constitution nationale. Depuis, les décisions se sont enchaînées : des droits ont été accordés à des écosystèmes en Nouvelle-Zélande, au fleuve Rio Atrato dans la partie colombienne de l’Amazonie, aux fleuves et aux rivières du Bangladesh, en février 2021, le Canada a reconnu pour la première fois la «  personnalité juridique  » de la rivière Magpie.

En Nouvelle-Calédonie, le code de l’environnement français a reconnu, en 2016, des droits aux îles Loyauté.

En Espagne, suite à une mobilisation des habitants de la région de Murcie, le parlement espagnol à accorder en 2022 une personnalité juridique à la Mar Menor, une lagune d’eau salée fortement urbanisé et pollué. C’est le premier texte juridique en Europe à reconnaître une entité naturelle en tant que sujet de droits. Cette loi est une pièce de plus dans la mosaïque d’un mouvement mondial cherchant la voie de la justice écologique, afin de mettre en place des réponses juridiques fortes en période de crise écologique globale (en savoir plus).

"La nature, ou Pacha Mama, où la vie est reproduite et se produit, a droit au respect intégral de son existence et au maintien et à la régénération de ses cycles de vie, de sa structure, de ses fonctions et de ses processus évolutifs". Article 71 de la Constitution équatorienne.

 

Au-delà du droit de l’environnement

Depuis les années 1970, le Droit de l’environnement porte une vision anthropocentrée du monde autour de laquelle il s’est construit. Parce que seul être doué de raison, l’Homme est au centre de la vie et unique sujet organique de droits. Sous son prisme, les autres entités naturelles sont considérées comme ses objets, ressources dont il peut librement disposer afin d’accélérer la croissance économique. Le pacte commun sur lequel il repose est le contrat social, liant uniquement les hommes entre eux et excluant ainsi le monde naturel. Néanmoins, le Droit de l’environnement évolue progressivement avec, par l’exemple, l’inscription de la charte de l’environnement dans la constitution en 2004 ou le préjudice écologique inscrit dans le code civil depuis 2016. Le préjudice écologique oblige toute personne responsable d’un préjudice environnemental à le réparer, et consacre donc une valeur à l’écosystème touché, mais ce principe ne peut être utilisé « que quand une catastrophe a déjà eu lieu ».

En dépit de son utilité et des milliers de lois et conventions dont il a accouché à travers le monde, le droit de l’environnement tel qu’il s’est construit au cours des décennies passées n’est pas parvenu à enrayer les dégradations multiformes du climat, de la biodiversité et des écosystèmes en général.

A échelle mondiale, la notion de droit de la nature émerge lentement à partir des années 2000, en envisagent les entités du monde naturel et les écosystèmes comme sujets de droits, protégés au titre de leur valeur intrinsèque reconnue. L’Homme compte parmi ces organismes qui dans leur ensemble forment la Communauté de la Terre. En ce sens, leur pacte commun prend les traits d’un contrat naturel ne séparant pas l’Homme de la Nature mais l’incluant en son sein dans une logique d’interdépendance.

Au-delà de la protection juridique, les Droits de la Nature portent également un projet de nouvelle gouvernance en adaptant les systèmes de gouvernance légaux, politiques, économiques et sociaux aux lois fondamentales régissant les fonctions de la nature. L’enjeu est de bâtir un système davantage biocentré dont les règles profitent mutuellement à l’ensemble de la communauté de la Terre et plus uniquement à l’être humain.

La Cop 15 en 2022, reconnaît et considère “les droits de la nature et les droits de la Terre nourricière, comme faisant partie intégrante de la réussite de sa mise en œuvre”.

 

Les Droits de la Nature comme condition préalable aux Droits de l’Homme

Parce qu’il n’y a pas de santé, de sécurité et de bien-être humains dans un monde où les écosystèmes et communautés naturelles n’ont la capacité, et donc le droit préalable, de vivre, prospérer et de jouer leur rôle écosystémique, il ne saurait y avoir de Droits de l’Homme sans Droits de la Nature. Autrement dit, les droits de la Terre constituent la condition fondamentale préalable à l’effectivité des droits humains et des générations futures. «  Pour garantir les droits humains, il est nécessaire de reconnaître et de défendre les droits de la Terre Mère et de tous les êtres vivants qui la composent  » souligne ainsi le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de la Nature.

Il est nécessaire de développer une jurisprudence reconnaissant que les humains sont inséparables de l’écosystème planétaire et que, pour que celui-ci fonctionne correctement, les sociétés humaines doivent réguler leur comportement de manière à soutenir plutôt que saper l’intégrité et la santé de la communauté de la vie sur Terre.

 

Le fond de baie de Saint-Brieuc est une entité naturelle dont la Réserve naturelle joue un rôle de gardien.

Les droits de la nature permettent de faire évoluer les mentalités, en replaçant l'humain dans la nature. Les droits de la nature doivent permettre de traduire, en droits, les besoins essentiels des écosystèmes, en impliquant de nouvelles formes de gouvernance.